Dans ce bistrot-là, se croisent - non, vivent ! - quelques personnages qui abusent de la dive bouteille et sont ivres en permanence, il faut le dire. Il y a Isidore l'instituteur, qui demande encore respect et considération pour la fonction qu'il a autrefois remplie, Edouard le buveur invétéré, Popaul le turfiste enragé toujours à la recherche de quelque sou lui permettant un nouveau pari grâce auquel il se "referait" ; il y a aussi Andrée - eh oui, l'alcoolisme est aussi féminin - d'abord bonne de l'établissement puis épouse de Pierrot.
Mais il y a surtout Gaston, le père de ce fameux Pierrot dont tout le monde attend le retour d'Australie où il est parti il y a 10 ans, laissant femme, amis et père dans ce bistrot, mais avec l'espoir de revenir RICHE... Gaston assure donc "l'intérim" derrière le bar, jouant à la fois le rôle du commerçant et de l'ami qui assume les "besoins" de ses coreligionnaires.
Les bouteilles se vident à toute allure, l'ivresse est permanente et c'est un vrai tour de force pour les acteurs que de jouer pendant deux heures les attitudes d'un homme ivre. Car leur ivresse est démonstrative, explosive, tonitruante et envahissante. Mais derrière ces gesticulations d'hommes et de femme ivres, quelle douleur ! Tout ce qui les a amenés à la "dive bouteille" n'est que désespoir et mauvais hasards. Et cette douleur est tellement bien rendue par les acteurs que l'émotion est là et nous étreint.
Mais il faut bien qu'à un moment, ces buveurs dînent ; ils se mettent donc à table, font des aller-retour pour chercher qui une assiette, qui le pain, qui la bouteille évidemment... Et ils continuent leur manège et les boîtes de saucisses chaudes avec leurs haricots arrivent sur les tables, le pain suit la cadence et nous accompagnons toute cette joyeuse troupe dans ce repas chaleureux et réconfortant.
Le repas terminé, la représentation reprend ; oui, nous sommes au théâtre et nous l'aurions presque oublié tellement ces personnages sont dans la vie et ont réussi à nous faire partager leurs amours et leurs désillusions. Et Gaston - incarné avec justesse par Bernard - attend le retour de son fils, qui ne peut que revenir dans 10 jours puisque ce sera l'anniversaire de son départ !
Je ne vous raconte pas la chute de cette pièce magnifique de Jean-Claude Grumberg, si bien interprétée, à la fois drôle et grave.... Si vous allez la voir chez Bernard - le 9 octobre, nous a-t-il dit - ou ailleurs, je vous gâcherais le plaisir. Je vous en ai déjà beaucoup dit...
La morale de l'histoire, c'est que ce fut une bonne soirée, une très bonne soirée.
Bonne journée à tous
Françoise