Une image un peu perdue, dissimulée dans les replis de ma mémoire, ressurgit soudain lorsque j'évoque le certificat d'études. C'est une sorte de cliché en noir et blanc qui ressemble à ceux des livres redevenus trop à la mode, mettant en scène des enfants sagement installés sur leur banc de classe, un vague sourire désuet et timide au coin des lèvres. Tout paraît si facile, quand on les feuillette, ces livres ! Les études y semblent surgies d'un autre monde aux difficultés soudain aplanies, adoucies, presque effacées par l'aspect fané de la photo.
Et pourtant, comme nous avions travaillé pour l'avoir, ce certificat d'études ! J'étais en 4ème et ce jour était pour moi d'autant plus exceptionnel que nous le passions au collège de Rochefort-Montagne, là où j'avais suivi ma 6ème et ma 5ème. Retourner dans ce collège pour un tel événement avait pour moi un parfum particulier.
Nous étions quelques-uns que notre brave Père Espinasse avait décidé d'emmener en voiture, dans sa 2CV bleue, le gros de la troupe partant en bus. Il faisait beau, la tiédeur de ce matin printanier semblait s'installer pour nous soutenir et raviver notre courage. Nous ne devions pas être plus de 3, sinon comment s'installer dans la Deuch "directoriale" aux côtés de notre maître à la stature quelque peu imposante ? Mais j'ai oublié qui étaient les deux autres "heureux élus" qui m'accompagnaient. Qu'ils -ou elles- me pardonnent et s'ils se reconnaissent, qu'ils m'envoient un signe de la main !...
De Gelles à Rochefort, c'était à l'époque une véritable expédition. Il fallait emprunter une petite route sinueuse qui suivait la rivière jusqu'au village de La Miouze, puis remonter de l'autre côté jusqu'à Massagettes et monter, monter toujours jusqu'à Rochefort, lieu de notre examen. Là, le pont qui surplombe la ville n'existait pas encore et il fallait plonger littéralement au fond de la vallée pour gravir ensuite la route qui serpentait jusqu'au collège. C'était véritablement vertigineux...
Coincés dans la 2CV, quelque peu effrayés et tétanisés par la situation et la conduite "espinassienne", nous nous taisions et n'osions guère bouger. La peur et l'anxiété n'ont pas tout effacé de ce voyage et il me reste quelques images : la route ensoleillée qui se déroulait devant nous, l'ombre des platanes qui se profilait sur le bitume comme pour repeindre notre journée en noir et blanc et puis surtout, surtout la panne. Oui, vous avez bien lu : la panne ! Car l'incroyable, l'impensable, l'inimaginable est arrivé ! Le jour de notre certificat d'études, jour ô combien important dans nos vies de petits collégiens, le père Espinasse nous a fait "le coup de la panne" ! Panique à bord, naturellement ! Comment faire pour que nous arrivions à temps pour l'examen ? Heureusement, tout rentra dans l'ordre rapidement car nous étions partis avant le bus dans lequel nous avons terminé notre voyage, quelque peu soulagés et fort contents de retrouver tous nos camarades.
Je n'ai jamais su comment notre conducteur avait rejoint Rochefort et je dois dire que je m'en moquais totalement. Seuls comptaient pour nous les résultats que nous avons attendus longtemps dans l'immense cour du collège. Dans mon souvenir, elle est immense, cette cour, tout comme le grand escalier qui menait aux classes et du haut duquel M. Gardette, le directeur, a annoncé les résultats avec, à ses côtés, notre brave Antoine.
J'étais, je crois, 3ème du canton et c'est avec fierté que je suis allée chercher mon prix : 3 livres de la bibliothèque verte dont j'ai oublié les titres et une petite somme d'argent dont, bien sûr, j'ai oublié le montant exact.
Je dois sûrement cette récompense aux deux couplets de "La Marseillaise" que je m'entends encore chanter lors de l'épreuve de musique. Et pourtant, je l'avais apprise aussi "Douce France, cher pays".... Mais vous connaissez tous la suite, n'est-ce pas ?
Françoise
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