J'étais peut-être une bonne élève mais dans toutes les écoles où je suis passée, on m'a trouvée bavarde, frondeuse et revendicative. Je me souviens qu'à Gelles, je prenais très facilement la défense des camarades injustement réprimandés. Il faut dire que, comme l'a si bien écrit Daniel, la notion de justice y était toute spéciale, "espinassienne" pourrait-on dire et vous me pardonnerez ce néologisme, j'en suis sûre.
J'imagine donc que lorsque je "la ramenais " un peu trop, on m'attendait au tournant. Et le tournant était justement un bavardage quelconque qui ne manquait pas de se produire pendant l'étude du soir. Que voulez-vous, il m'a toujours été difficile de me taire ! Alors la punition que notre ami Antoine choisissait, c'était de me faire rester dans la salle d'études après la montée au dortoir. Je restais donc seule - quelquefois, j'avais de la chance car un ou une autre s'était fait punir aussi - dans la salle de classe où seul le grand néon du tableau restait allumé et où le poêle lentement s'éteignait, laissant inexorablement le froid s'installer. A l'affût du moindre bruit, tous mes sens en alerte, je grelottais autant de froid que de peur. Et malgré ça, il fallait recopier des listes entières de vocabulaire anglais prises dans le petit livret de Jean Rey. Vous rappelez-vous ce petit livre vert ?
Un jour, Antoine m'oublia et c'est à 11 heures du soir qu'il a surgi dans la classe et un peu penaud, je crois, il m'a dit : "Mais, t'es encore là, toi ? Allez, file te coucher". Certes, j'étais un peu soulagée, mais il me fallait encore gravir les deux étages qui me séparaient du dortoir, dans le noir, et toujours dans le noir, trouver mon lit. Un vrai cauchemar !
Et le lendemain, je devrais me lever plus tôt que les autres car cette année-là, j'étais de service pour allumer le poêle, ce qui signifiait qu'à 7 heures moins le quart, je devrais être dans la classe pour qu'un peu de chaleur ait pu s'y répandre avant l'arrivée de tous les élèves. Mais c'était illusoire, mes efforts ne furent jamais vraiment récompensés et nous passions tous cette première étude-là, recroquevillés, transis de froid et le ventre vide. Et ça, Jean-Michel, c'est bien un peu du Dickens, non ?
Mais il me faut modérer mon jugement ; il y a aussi l'image du Père Espinasse faisant des glissades dans la cour avec nous ; on versait de l'eau pour que ça glisse encore mieux et je crois qu'il s'amusait autant que nous. De cette manière, il nous surveillait et s'assurait qu'il ne nous arrive rien. Au fond, il nous aimait très certainement, mais mal, si mal ! Et je pense très honnêtement qu'il exerçait son métier avec passion.
Françoise
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